Échecs au feminin

Bien que les femmes aient longtemps été présentes dans l’histoire du jeu d’échecs, comme en témoignent ces récits enchanteurs des Mille et Une Nuits, elles restent aujourd’hui encore très minoritaires parmi les joueurs de club. En France, 20 % des licencié·es sont des femmes, et ce chiffre chute drastiquement dans les compétitions de haut niveau. Pourtant, rien dans ce jeu d’intelligence, de stratégie et de patience ne devrait dissuader les femmes d’y briller. Il est temps de renouer avec cette tradition oubliée où les dames d’autrefois n’hésitaient pas à défier — et souvent à vaincre — leurs adversaires sur l’échiquier… et parfois ailleurs.

Mille et une Nuits Échiquéenne…

Notre astucieuse Dilaram ne fut sans nul doute pas un cas unique dans l’Islam de cette période. Les femmes byzantines et musulmanes, de milieux sociaux très divers, jouaient aux Échecs. Il est dit que Ali ibn Husayn, un arrière-petit-fils du prophète Mahomet, jouait avec son épouse et que le Caliphe Ma’mûn dépensa une fortune de deux mille dinars pour s’offrir une jolie esclave instruite dans le Jeu des Rois. La littérature islamique de cette époque fourmille d’historiettes opposant un homme et une coquette, en prélude à d’autres combats, s’affrontant sur l’échiquier. Dans l’une d’elles la belle Zayn al Maswâsif invite son soupirant à une partie sur un échiquier d’ébène et d’ivoire incrusté de rubis. Le pauvre amoureux, qui n’a d’yeux que pour son aimée, se déconcentre et perd rapidement, sans doute pressé de passer à de plus doux assauts.

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Miniature du manuscrit d’Alphonse X le Sage, 1283 : Femmes maures en costume arabe jouant aux Échecs

Et cet extrait des Mille et une Nuits : « Ce prince, s’étant fait apporter un jeu d’Échecs, me demanda par signe si j’y savais jouer et si je voulais jouer avec lui. Je baisai la terre et, en portant la main sur ma tête, je marquai que j’étais prêt à recevoir cet honneur. Il me gagna la première partie ; mais je gagnai la seconde et la troisième, et m’apercevant que cela lui faisait quelque peine, pour le consoler, je fis un quatrain que je lui présentai. Je lui disais que deux puissantes armées s’étaient battues tout le jour avec beaucoup d’ardeur ; mais qu’elles avaient fait la paix sur le soir, et qu’elles avaient passé la nuit ensemble fort tranquillement sur le champ de bataille. »

Dans un autre conte des Mille et une Nuits, une jolie (comme il se doit) princesse chrétienne et ses non moins charmantes demoiselles de compagnie se livrent à un divertissement pourtant peu féminin : la lutte. Le prince (charmant comme il se doit) épie ces joutes gracieuses. Notre gaillard (on le comprend) se révèle aux donzelles et défie Abrîza en un combat à mains nues. Bien que très vaillant, notre prince se trouble au contact de ce corps adorable et se fait rosser par la belle lutteuse. La princesse lui offre l’hospitalité. La nuit suivante Abrîza le défie à un combat moins brutal, une partie d’Échecs. Mais là encore, le prince est charmé par le visage exquis de la jeune fille et amoureux, il perd à nouveau, mais gagne (comme il se doit) le cœur de la ravissante chrétienne qui se convertit derechef à l’islam pour suivre son beau prince.

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