Le Canon d’Alekhine (1930)
La connaissance de la nature humaine et de la psychologie de son adversaire est indispensable. Auparavant, on se battait contre des pièces. Maintenant, c’est contre l’adversaire, sa personnalité, sa vanité.
Alexander Alekhine
Selon Alexander Kotov, les parents délaissèrent le petit Alekhine, le père accaparé par son travail, la mère dévouée aux bonnes œuvres et à la bouteille, à en croire les mauvaises langues. Ce fut la grand-mère qui s’occupa des enfants Alekhine, leur apprenant à jouer aux Échecs. Alexandre, rapidement, surpassa son frère aîné. Les parents ne permirent pas à leur jeune fils de fréquenter les clubs moscovites, mais bravant l’interdiction, Alexandre se rendait en cachette, assistant à des parties. Il développa son talent en jouant par correspondance et contre son frère, analysant des parties, en catimini, dans sa chambre, à la lueur des chandelles. Le désir de devenir joueur professionnel lui vint à l’âge de treize ans assistant, bravant une fois de plus la prohibition paternelle, à une simultanée à l’aveugle, donnée par le joueur américain Nelson Pillsbury à Moscou.
Peu de détails sur sa vie privée nous sont parvenus, mais tous ses biographes s’accordent à le décrire de caractère impossible : égoïste, colérique, autoritaire, arrogant, alcoolique et joueur. Marié quatre fois et toujours avec des femmes plus âgées, ses collègues se moquaient particulièrement de sa dernière épouse notoirement robuste, disant qu’elle devait avoir au moins deux fois son âge et le triple de sa circonférence, d’autres portaient la plaisanterie plus loin colportant qu’elle était « la veuve de Philidor ».
San Remo, en 1930, fut le théâtre du tout premier tournoi international organisé dans le célèbre casino de cette ville. Seize Grands Maîtres européens et américains se sont affrontés du 16 janvier au 4 février, avec une victoire éclatante d’Alekhine. Cette victoire consolida son statut de Champion du Monde, remportant 14 parties sur 15, devant Nimzovitch (10,5/15), Rubinstein (10/15) et Bogoljubov (9,5/15). Le Canon d’Alekhine est une formation mémorable dans sa partie contre Nimzowitsch : les deux Tours doublées sur une colonne ouverte, soutenues par la Dame, pilonnèrent la position ennemie sans pitié.