La partie de l’opéra
Né en 1837 à La Nouvelle-Orléans, Paul Morphy émergea rapidement comme un champion d’échecs exceptionnel. En 1857, il remporta le tout premier championnat des États-Unis, puis au cours des deux années suivantes, il traversa l’Atlantique pour défier les meilleurs joueurs d’Europe de l’époque, qu’il battit de manière impressionnante. Son jeu montrait une profondeur de pensée et un niveau de compétence bien en avance sur son temps. Seul l’Anglais Howard Staunton, par peur de la défaite, déclina un match contre ce prodige échiquéen.
En 1859, Morphy lança un défi ouvert aux joueurs du monde entier, mais personne n’osa le relever. Dès lors, il décida de mettre fin à sa carrière. Lors de son séjour en Europe, Morphy fit sensation en battant Daniel Harrwitz, alors le meilleur joueur allemand, lors d’un match au Café de la Régence à Paris.
En attendant l’arrivée d’Adolf Anderssen, reconnu comme le meilleur joueur du monde, Morphy affronta avec succès les meilleurs joueurs français, et toutes les portes lui étaient ouvertes. C’est pendant cette période qu’il joua cette partie mémorable.
Le duc de Brunswick invita à plusieurs reprises Morphy à l’Opéra de Paris, où il avait réservé une loge si proche de la scène qu’on prétendait qu’on pouvait presque toucher les acteurs. Le duc était un passionné d’échecs et avait toujours un échiquier dans sa loge. Alors que l’opéra et la partie avançaient, le duc et le comte discutaient vivement, perturbant les comédiens. Dans un mélange de tragédie et de comédie, Morphy continuait à jouer de manière brillante tout en tentant de suivre l’opéra depuis sa position inconfortable, tandis que les acteurs essayaient de comprendre pourquoi leurs illustres spectateurs échangeaient à voix haute.
Frederick Edge, le secrétaire de Morphy, relate qu’on donnait ce soir-là La Norma de Bellini : « La loge du Duc se trouve juste sur la scène, si près en vérité que l’on pourrait sans peine embrasser la prima donna. Morphy était assis, le dos tourné à la scène, ayant en face de lui le Duc et le comte Isouard. C’est alors que Mme Penco, qui personnifiait la prêtresse druidique, se mit à regarder du côté de la loge, semblant se demander quelle pouvait bien être la cause de l’agitation qui y régnait. Elle était loin de se douter que Caïssa¹ était la seule chaste diva dont se souciaient les occupants de notre loge ».
Article préparé avec l’aide de Wikipédia.
¹ Caïssa est une dryade mythique de Thrace, représentée comme la déesse du jeu d’échecs, bien que les Grecques de l’antiquité ne connaissaient pas ce jeu.