Les échecs nous accompagnent depuis des siècles et nous émerveillent. Le joueur, captivé par le ballet des pièces, s’abstrait du réel pour entrer dans un monde géométrique aux combinaisons innombrables. Mais au-delà du jeu, les échecs ouvrent une fenêtre magique sur le monde. Leur présence riche dans l’histoire de l’humanité en est le témoin. « Je hais le jeu d’échecs et le fuis, de ce qu’il n’est pas assez jeu et qu’il nous ébat trop sérieusement », écrivait Montaigne. Bien plus qu’un simple amusement intellectuel, les échecs nous renvoient à un autre part, miroir fidèle ou déformé, de notre monde réel. Nous vous invitons, à travers ce quiz, à plonger dans son histoire. Votre savoir s’arrête-t-il aux limites de l’échiquier, la tête pleine de variantes, de stratégie et de tactique ? Testez vos connaissances de l’histoire de ce jeu magnifique, métaphore aux mille facettes de notre propre vie.
Qui a dit : « Les échecs, c’est la vie » : Bobby Fischer, Garry Kasparov ou Boris Spassky ?
Bobby Fischer en 1960 à Leipzig
Bobby Fischer : « Au collège, raconte un de ses condisciples, Bobby était toujours silencieux et peu intéressé par les cours. Il sortait un petit échiquier de poche et se mettait à jouer et quand le professeur le découvrait et lui disait :
— Fischer, je ne peux pas obliger à écouter la leçon, ni empêcher de jouer, mais s’il te plaît, laisse échiquier.
Bobby, gentiment, rangeait son échiquier et s’enfermait dans un silence glacial. Et nous savions tous, et le professeur également, qu’il continuait à jouer dans sa tête ». Dès lors, rien ne peut exister pour lui hormis les Échecs et quand le débonnaire Spassky à Rykjavik déclare : « les Échecs, c’est comme la vie », Fischer rétorque véhément : « Non, les Échecs, c’est la vie ! ».
De son côté, Garry Kasparov intitula un de ces livres La vie est une partie d’échecs. Sur l’échiquier se jouent défis et combats de même que dans la vraie vie. Comment prenons-nous une décision aux échecs et dans la vie quotidienne ? Comment précisément mesurer les dangers, bien évaluer et analyser la situation, son adversaire, son rival, sans le sous-estimer ni le surestimer ? Comment rattraper une position qui dérape, lutter contre ses faiblesses et accentuer ses forces ? C’est en prenant conscience de ces questions et en travaillant régulièrement sur les fragilités de notre action que l’on peut très sensiblement améliorer son jeu, comme l’on peut considérablement améliorer son attitude dans la vie.
Quelle est la déesse des Échecs : Caïssa, Palamède ou Sissa ?
Caïssa : Caïssa est une dryade mythique de Thrace, représentée comme la déesse du jeu d’échecs. Le mythe de Caïssa n’existait pas dans l’époque antique, il provient d’un poème nommé Caissa : or The Game of Chess par William Jones datant de 1763.
Plusieurs récits mythiques sur l’origine des échecs circulaient au Moyen Âge. L’on connaissait parfaitement l’origine orientale du jeu, mais, pour leur assurer un prestige et une légitimité plus grande, l’homme médiéval liait leur invention à l’Antiquité, biblique ou classique. Palamède, le guerrier grec, déjà inventeur mythique de l’alphabet, l’aurait conçu pour désennuyer ses soldats au pied des murailles de Troie durant le siège.
Quant à Sissa, il est ce brahmane, inventeur présumé des Échecs indiens. Il aurait inventé le chaturanga pour distraire son prince de l’ennui, tout en lui démontrant la faiblesse du roi sans entourage. Que pourrait, sur l’échiquier, le roi sans les figures qui l’entourent ? Le prince reconnaissant laissa au brahmane le choix de sa récompense. Celui-ci demanda qu’on lui donnât un grain de blé pour la première case de l’échiquier, puis 2 pour la seconde, 4 pour la troisième, ainsi de suite en doublant toujours jusqu’à la soixante-quatrième. Le Roi, surpris de la modeste demande, l’accorda sur-le-champ, sans réflexion. Mais quand ses trésoriers calculèrent, le Roi s’était engagé à une chose pour laquelle ni ses trésors, ni les greniers de ses vastes empires n’y suffiraient.
Qu’est une pièce en l’air ?
une pièce en prise ?
une pièce non protégée ?
une pièce renversée sur l’échiquier ?
Une pièce « en l’air » est une pièce non protégée, susceptible d’être la victime d’un coup tactique. La R noire n’est pas protégée, la sanction ne se fait pas attendre !
Après la pièce en l’air, restons aérien. Que signifie l’expression « avoir un Roi dans les courants d’air » ?
le K est en position centrale pour contrôler l’échiquier ?
le K est mal protégé, exposé aux attaques adverses ?
le K est prêt à se déplacer rapidement pour soutenir ses pièces ?
L’expression « avoir un Roi dans les courants d’air » signifie que le Roi est mal protégé, exposé aux attaques adverses. Il se trouve souvent en dehors de sa position initiale, sans défense adéquate, ce qui le rend vulnérable à des échecs ou des menaces directes. En d’autres termes, le Roi n’est pas en sécurité et risque d’être rapidement mis en échec ou même mat si l’adversaire exploite cette faiblesse.
Le K noir semble bien protégé derrière les remparts de son roque, mais sacrifier pour ouvrir des brèches peut être la voie vers une victoire élégante. La voyez-vous ?
Achille et Ajax jouant pendant la guerre de Troie, Amphore attique, vers – 500 av. J.-C, Rome, Vatican.
Les Grecs de l’antiquité jouaient-ils aux Échecs ?
Achille et Ajax jouent au Pettaia, le premier jeu de plateau à 64 cases. Il accompagna les soldats lors des conquêtes d’Alexandre le grand, qui le menèrent jusqu’en Inde (-330 avant JC). C’était un jeu de stratégie joué sur une grille, mais les règles exactes restent obscures.
On a longtemps cru que le jeu d’échecs avait des origines très anciennes. Jusqu’au XIXe siècle, on attribuait souvent son invention à Palamède, un héros grec et compagnon d’Ulysse. Pausanias le Périégète, un écrivain du IIe siècle de notre ère, affirmait que Palamède avait créé ce jeu durant la guerre de Troie pour distraire les soldats grecs de leur ennui. Pausanias allait même jusqu’à attribuer à Palamède l’invention de l’alphabet, des jeux de dés, et des signaux de feu utilisés pour transmettre des messages. Cette légende, bien ancrée dans les esprits, a perduré tout au long du Moyen Âge.
Des archéologues ont plus d’une fois découvert des objets qui auraient pu être des pièces d’échecs. Ces objets remontaient à des milliers d’années. Serait-il possible que des sénateurs romains, des philosophes grecs ou même des pharaons égyptiens aient joué à ce jeu d’échecs primitif ? Est-ce qu’on jouait aux échecs autour des jardins suspendus de Babylone et dans les cours des palais d’Ur ? Cela semble douteux, de toute évidence. Nathan Divinsky, dans son encyclopédie The Batsford Chess Encyclopedia, résume l’opinion généralement acceptée : « il est improbable que le jeu d’échecs existât longtemps avant l’an 600, vu l’absence de références dans l’histoire de la Grèce intellectuelle ou celle de la Rome impériale. »
Quel est le premier champion du monde des Échecs : Philidor, Paul Morphy ou Wilhelm Steinitz ?
Wilhelm Steinitz : ce championnat existe depuis 1886. Mais de tous temps, de façon informelle, des matchs furent organisés entre les joueurs les plus renommés. On en trouve déjà trace à la cour d’Hâroun ar-Rachîd à Bagdad au IXe siècle. Après sa victoire contre Zukertort, Steinitz est reconnu comme le premier « champion du monde ». Déjà, à son époque, les échecs ne nourrissaient pas son homme et, sa vie durant, il courût après l’argent : « La gloire, je l’ai déjà. Maintenant, j’ai besoin d’argent. »
— Monsieur Steinitz, l’avait un jour apostrophé un millionnaire, vous ne participez aux tournois que pour l’argent, alors que moi, je n’y viens que pour l’honneur !
— Chacun joue pour ce qu’il n’a pas ! lui renvoya le bon vieux Steinitz. L’argent n’a pas d’honneur…
Paul Morphy peut être considéré comme le premier Champion du Monde non-officiel. Le plus fort joueur de son époque, en l’espace de deux ans, vers l’âge de 20 ans, il défia tous les meilleurs joueurs d’échecs américains, puis européens. Puis, comme Bobby Fischer, il renonce à jouer et s’enfonce peu à peu dans la folie.
François-André Danican Philidor (1726-1795) était un compositeur et joueur d’échecs français, considéré comme l’un des plus grands joueurs d’échecs de son époque. Il est surtout célèbre pour son ouvrage Analyse du jeu des Échecs (1749), qui révolutionna la stratégie échiquéenne en mettant l’accent sur l’importance des pions, avec la célèbre maxime « Les pions sont l’âme des échecs ». Philidor était également un compositeur accompli, ayant composé de nombreuses œuvres musicales, notamment des opéras. Son double héritage dans la musique et les échecs a marqué durablement ces deux domaines.
Qui inventa la notation algébrique : Philippe Stamma, Philidor ou Howard Staunton ?
La notation algébrique est un système de description des coups joués qui fut présenté la première fois en 1737 par Philippe Stamma, dit « le Syrien », dans son Essai sur le jeu des échecs, et reprit dans Le Noble Jeu des Échecs. Mais ces œuvres restèrent plus ou moins dans l’ombre à la suite de sa défaite face à Philidor à Londres en 1747, dont le célèbre manuel, L’Analyse du Jeu des Échecs, utilisait une forme littérale.
Voici une partie jouée entre l’abbé Jean-Joseph-Thérèse Roman et Jean-Jacques Rousseau, sans doute au Café de la Régence en notation descriptive, rapportée dans le Palamède, magazine d’Échecs créé en 1836 et disparut en 1847.
Heureusement qu’alors les pendules n’existaient pas sinon gare au zeitnot ! Après une bonne demi-heure de casse-tête, cela donne en notation algébrique :
François-André Danican Philidor, surnommé « le Grand », né le 7 septembre 1726, est issu d’une dynastie de musiciens célèbres au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, qui portèrent tous le surnom de Philidor. Il composa son premier motet à l’âge de douze ans, mais son nom reste davantage associé au jeu d’échecs. Très jeune, il fréquente le Café de la Régence où il rencontre Jean-Jacques Rousseau. Dans Le Neveu de Rameau, Diderot donne une description de ce café : « Paris est l’endroit du monde, et le café de la Régence est l’endroit de Paris où l’on joue le mieux à ce jeu ; c’est chez Rey que font assaut Legal le profond, Philidor le subtil, le solide Mayot ». Philidor publie « L’Analyze des Échecs » à l’âge de 22 ans, un des premiers traités d’échecs en langue française et un classique du genre, où l’on peut lire sa fameuse maxime : « les pions sont l’âme des échecs. A eux seuls, ils déterminent qui attaque et qui défend. La victoire et la défaite ne dépendent que de leur arrangement, bon ou mauvais. »
Howard Staunton (1810 – 1874) est un joueur d’échecs britannique réputé et champion du monde d’échecs officieux. Il a donné son nom à un modèle de jeu d’échecs créé par Nathaniel Cooke, devenue depuis le standard pour les joueurs d’échecs du monde entier.
De quand date la plus ancienne partie d’échecs retranscrite : 1030, 1475 ou 1650 ?
La plus ancienne partie conservée fut jouée entre Francesco di Castellvi et Narciso Vinyoles en 1475. Francesco était un seigneur de plusieurs villes de la région de Jativa et Valence en Espagne et servit comme conseiller à la cour Argonese du roi Ferdinand. Narciso, né entre 1442 et 1447, était homme politique et écrivain. Son épouse, Brianda de Santangel, était la nièce du banquier qui finança le voyage de Christophe Colomb.
Francisco et Narciso sont les coauteurs d’un poème catalan Scachs d’Amor (Le Jeu d’Échecs de l’Amour). Ils furent dans les premiers à avoir montré comment jouer en concordance avec les règles modernes. Cette partie fut conservée, non pas pour sa qualité, mais parce qu’elle fut insérée dans ce texte. L’on voit que les deux joueurs ont une certaine expérience, mais sont encore imprégnés des anciennes règles (absence du roque, déplacement de la Reine de deux cases sur une diagonale 17…Qf6, comme il était conseillé au Moyen-Age). Certes, ils ne trouvent pas les meilleurs coups, surtout les Noirs, mais chacun de leurs coups à du sens. Il faut se rappeler aussi, avant de critiquer les deux amis, que les règles échiquéennes avaient beaucoup changées et qu’ils étaient un peu dans la situation où nous pourrions nous trouver, jouant les Échecs Capablanca, une variante du jeu, se jouant sur un échiquier 10 x 8. Cette plus ancienne partie débute également par la plus ancienne des ouvertures : la Défense Scandinave.
Qu’est-ce que le trait :
l’adversaire trace un trait sur sa feuille de notation, signifiant l’abandon ?
le droit, mais aussi l’obligation de jouer un coup ?
le nom donné à une technique d’ouverture spécifique aux Noirs ?
Le trait indique celui qui doit jouer. Également utilisé dans nombre d’autres jeux de société, comme les dames ou le go. Quant à l’origine, peut-être de l’action de tirer à l’arc, à l’arbalète, « décocher un trait. »
À l’origine, quel est l’ancêtre très éloigné du jeu d’Échecs :
un jeu ?
un instrument de calcul ?
un instrument divinatoire ?
Indubitablement, un des ancètres est le chaturanga, du sanskrit चतुरङ्ग, caturaṅga signifiant « quatre membres » ou « quatre parties », ancien jeu de stratégie indien. L’échiquier primitif était un diagramme unicolore de soixante-quatre cases. Dans l’Inde védique, une telle figure géométrique est déjà employée par les brahmanes pour établir les plans des temples et des cités. Les quatre cases centrales incarnent la résidence de Brahma, le dieu créateur, les soixante autres celles des dieux secondaires du panthéon hindou.
Cependant, avant de devenir le chaturanga, ce jeu de plateaux à l’origine étaient sans doute un instrument magique et divinatoire, permettant aux prêtres de prédire l’avenir, annonçant l’issue victorieuse ou funeste d’une bataille à leur suzerain. « En dirigeant la chute d’objets sur un plan de divination, les dieux pouvaient communiquer avec les mortels, proposent David Hooper et Kenneth Whild dans leur Oxford Companion to Chess. Plus tard, les dés ont été ajoutés pour désigner impérativement les pièces à bouger et ainsi révéler davantage des intentions divines. Puis un sacrilège a eu l’audace de convertir le procédé en jeu, éliminant peut-être les dés à ce moment-là. C’est sans doute cette personne qui, ayant sécularisé le rite religieux, a le plus droit au titre d’inventeur du jeu d’Échecs ».
Pour l’instrument de calcul, vous n’êtes pas tombés loin, mais à mille ans de distance :
Les Grandes Heures de Rohan sont un livre d’heures médiéval conservé à la Bibliothèque nationale de France. Il fut composé entre 1430 et 1435 par le Maître de Rohan, sans doute à Angers. Le livre d’heures, à la différence du bréviaire, destiné aux clercs, était un recueil de prières liées aux heures du jour, proposé aux fidèles laïcs.
Les personnages centraux, devant leur échiquier, sont-ils de paisibles joueurs d’échecs, ou bien des commerçants faisant leur comptes. Dès le XIIIe siècle, les artisans médiévaux se servent du plateau quadrillé de l’échiquier comme d’une table de compte, à la manière d’un boulier. La multiplication est notamment pratiquée dessus. La présence des marchands à droite, pesant peut-être de la monnaie, irait dans ce sens.
Le chancelier de l’Échiquier anglais, Chancellor of the Exchequer, est le ministre du gouvernement du Royaume-Uni chargé des finances et du trésor et même s’il doit se montrer fin stratège et garder la tête froide tel un joueur d’échecs, ce n’est pas là l’explication : vers le XIIe siècle apparaît le terme d’échiquier, qui désigne à la fois le plateau de jeu que nous connaissons toujours et un tapis quadrillé utilisé par les banquiers pour faire leurs comptes.
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