Lecture et jeu d’échecs : une synergie éducative
L’intersection entre la lecture et le jeu d’échecs est un domaine fascinant où des recherches ont montré des effets bénéfiques significatifs sur les compétences en lecture des élèves. Stuart Margulies, un psychologue scolaire renommé, a exploré cette relation dans le cadre de ses études, notamment dans son rapport intitulé The Effect of Chess on Reading Scores.
Les échecs, jeu emblématique et millénaire, vont bien au-delà de la simple conquête de pièces sur un échiquier. Pour les enfants, cette activité représente une source inestimable de développement intellectuel, social et émotionnel. Ils offrent un terrain fertile pour cultiver la réflexion stratégique, stimuler la concentration, et favoriser l’acquisition de compétences essentielles. Différentes études montrent que les enfants qui jouent régulièrement aux échecs obtiennent de meilleurs résultats scolaires comparativement à ceux qui ne jouent pas et particulièrement dans les matières scientifiques.
Si l’on comprend aisément le lien entre la logique des échecs et la logique scientifique, il est plus complexe de percevoir comment la pratique du jeu améliore les compétences en lecture. Stuart Margulies, en collaboration avec des enseignants et des forts joueurs, a dirigé un programme d’échecs dans le District Neuf du Bronx, à New York dans les années 90, intégrant des cours d’échecs dans les écoles élémentaires. L’objectif principal était d’examiner si l’apprentissage et la pratique des échecs pouvaient améliorer les scores de lecture. Les élèves du programme d’échecs ont montré une augmentation moyenne de 5,37 points de score sur le test DRP¹, tandis que les non-participants n’ont montré aucun gain significatif.
Plusieurs théories sont proposées pour expliquer les gains observés chez les joueurs d’échecs, bien qu’aucune conclusion définitive n’ait été tirée :
- développement de l’intelligence générale : les forts joueurs ayant participés à l’étude pensent que jouer aux échecs développe l’intelligence générale, la maîtrise de soi, les compétences analytiques et la capacité de concentration, ce qui peut naturellement améliorer les compétences en lecture.
- renforcement de l’égo : de leur coté, les enseignants croient que les élèves qui deviennent compétents aux échecs développent une meilleure estime de soi qui peu se traduire par de meilleures performances en lecture. En se sentant plus sûrs d’eux, les élèves abordent la lecture avec plus d’assurance et de motivation, ce qui facilite leur apprentissage.
- enrichissement du milieu intellectuel : les échecs attirent souvent des élèves talentueux intellectuellement. En rejoignant ce groupe, les élèves sont dans un environnement d’apprentissage élevé, ce qui peut influencer positivement leurs compétences, y compris la lecture. Explication, sans doute possible, mais qui nous offre à nouveau cette image élitiste des échecs qui certainement fait du tort au développement de la pratique.
- transfert de compétences : il est possible que les compétences cognitives nécessaires pour bien jouer aux échecs – telles que l’analyse, la planification, et la prise de décision – soient similaires à celles requises pour comprendre et analyser un texte écrit. Cette similitude pourrait expliquer pourquoi les compétences en lecture s’améliorent chez les joueurs d’échecs.
La lecture avec compréhension et le jeu d’échecs efficace sont des opérations complexes et mal comprises
La lecture peut être décomposée en processus de bas niveau et de haut niveau. Par exemple, un enfant qui lit une histoire sur un cafard aperçu dans un restaurant doit non seulement déchiffrer des mots comme « restaurant », « serveuse » et « étonné », mais aussi comprendre la grammaire et l’usage. Les processus de haut niveau nécessitent des connaissances (par exemple, sur les restaurants et les implications de trouver un cafard) et une capacité de réflexion (analyser, comprendre et intégrer des informations pour donner du sens au texte). De manière similaire, le jeu d’échecs exige que les joueurs combinent des processus de haut niveau – connaissances et informations sur la position des pièces – avec une approche interactive où chaque coup candidat est analysé comme un mot ou une phrase en lecture. Les deux activités impliquent des processus cognitifs comparables, tels que la prise de décision et l’intégration d’informations nouvelles dans un contexte préexistant.
Que ce soit par le développement de l’intelligence générale, l’amélioration de l’estime de soi, l’exposition à des pairs performants ou la similitude des processus cognitifs entre la lecture et le jeu d’échecs, il est clair que les échecs constituent un outil puissant pour améliorer les aptitudes scolaires. En intégrant les échecs dans l’éducation, nous pouvons aider les enfants à devenir plus compétents et confiants, prêts à affronter leur parcours scolaire et au-delà.
¹ Le Degree of Reading Power (DRP), Degré de Puissance de Lecture, est un outil d’évaluation utilisé en milieu éducatif pour mesurer la compréhension en lecture. Il se compose de passages de difficulté variable suivis de questions à choix multiples. Les scores du DPL fournissent une mesure de la compétence en lecture, aidant les éducateurs à adapter l’instruction aux besoins individuels des élèves. En recherche, le DPL est utilisé pour explorer la relation entre la compréhension en lecture et d’autres résultats cognitifs.