Wenzhe : l’immortelle chinoise (1978)

1Les Échecs sont un océan où un moustique peut boire et un éléphant se noyer.

Proverbe chinois

Liu Wenzhe (1940 – 2011) fut le premier Maître chinois à battre un Grand Maître international. Véritable pionnier des échecs modernes en Chine, il est considéré comme l’un des pères fondateurs de l’École chinoise d’échecs, dont l’influence se fera sentir plusieurs décennies plus tard avec l’émergence de champions mondiaux comme Xie Jun, Hou Yifan ou Ding Liren.

Liu remporta le championnat de Chine en 1980 et 1982. Mais c’est bien plus tôt, en 1978, qu’il entra dans l’histoire. Deux ans après la mort de Mao Zedong et la fin de la Révolution culturelle, la Chine participait pour la première fois à une Olympiade d’échecs, à Buenos Aires. À cette époque, le pays commençait à s’ouvrir au monde, et Liu représentait la nouvelle génération d’intellectuels et de sportifs chinois déterminés à faire rayonner leur nation sur la scène internationale.

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Liu Wenzhe et Jan Hein Donner

Lors de cette Olympiade, il affronta le Grand Maître néerlandais Jan Hein Donner, figure majeure des échecs européens, réputé pour son caractère imposant et son style de jeu classique. Donner, alors considéré comme le meilleur joueur hollandais, ne cachait pas un certain dédain à l’égard des joueurs chinois, qu’il jugeait inexpérimentés. Mais la partie tourna à la leçon. Liu Wenzhe mena une attaque foudroyante, sacrifiant sa Dame dans une combinaison d’une beauté saisissante. Après seulement vingt coups, Donner dut s’incliner devant un mat inévitable. Cette miniature, restée célèbre, fut publiée dans de nombreux magazines spécialisés sous le titre évocateur : « La Chine se réveille ».

Ce succès fut une onde de choc dans le milieu échiquéen. Pour la première fois, le monde des échecs découvrait la puissance de réflexion et la créativité d’un joueur venu de Chine. Cette victoire symbolisa l’émergence d’une nouvelle école échiquéenne, fondée sur la rigueur, la discipline et l’imagination tactique. Liu Wenzhe poursuivit ensuite une carrière d’entraîneur et de pédagogue, formant plusieurs générations de maîtres. Il publia notamment un ouvrage marquant, The Chinese School of Chess (2002), dans lequel il exposait sa philosophie du jeu : « Les échecs ne sont pas seulement une science, mais aussi un art et une voie de développement de l’esprit humain. »

Ainsi, la victoire de Liu Wenzhe sur Donner fut bien plus qu’un exploit individuel : elle marqua la naissance symbolique de la Chine échiquéenne moderne, une révolution tranquille dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui.

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