Ajeeb, l’automate joueur d’Échecs

L’histoire des automates remonte à des siècles, captivant l’imagination des foules avec leur semblant de vie et d’intelligence. Parmi les plus célèbres de ces merveilles mécaniques, Ajeeb, également connu sous le nom de « The Chess Player », se distingue par son incroyable capacité à jouer aux échecs. Conçu en 1865 par Charles Hopper, un ébéniste de Bristol, Ajeeb a non seulement intrigué par ses prouesses au jeu, mais aussi par l’aura de fantastique qui entoura sa vie.

Ajeeb, le magnifique en 1886

Mesurant environ 3 mètres de haut, Ajeeb fut exposé pour la première fois au Royal Polytechnic Institute de Londres en 1868. Il voyagea ensuite à travers l’Europe et des joueurs célèbres comme Zukertort et Rosenthal l’ont affronté. Ajeeb ressemblait au célèbre automate de Kempelen, le Turc, qui avait été détruit dans un incendie à Philadelphie onze ans plus tôt. Il se présentait sous la forme d’un personnage oriental, assise à une table d’échecs, prêt à défier les adversaires humains. Il joua plus de 900 parties et ne perdit que trois fois aux échecs, tout en restant invaincu aux dames. À l’extérieur, l’automate donnait l’impression de fonctionner de manière autonome, mais la réalité était tout autre.

Le secret d’Ajeeb résidait dans la présence d’un joueur humain caché à l’intérieur de l’automate. Grâce à un système ingénieux de leviers et de mécanismes, l’opérateur humain pouvait déplacer les pièces d’échecs sur l’échiquier, faisant croire au public que l’automate était doué d’une intelligence propre. Cette illusion était si bien conçue que même les plus sceptiques avaient du mal à percer le mystère.

En 1885, Ajeeb arrive aux États-Unis, visitant New York, Minneapolis, Chicago et Kansas City. Charles F. Moehle et Charles Francis Barker, le champion américain de dames, se relayaient pour manipuler l’automate. Entre 1893 et 1900, Ajeeb fut exploité par Harry Nelson Pillsbury, un des plus grands joueurs américains de l’époque. Au musée Eden de la vingt-troisième rue à New York, Ajeeb jouait soit à un jeu de dames pour un sou, soit à une partie d’échecs pour 25 cents. Ses opposants notoires comprenaient Teddy Roosevelt, Harry Houdini, l’amiral Dewey, Sarah Bernhardt et O. Henry.

Un incident tragique

On raconte qu’en 1915, un joueur furieux d’avoir perdu sa partie contre Ajeeb tira sur l’automate, pensant se venger de sa défaite et ne détruire que quelques rouages. La balle pénétra l’automate et tua l’opérateur humain à l’intérieur. Pour dissimuler cette tragédie, Smith et Gonotsky, les opérateurs, se débarrassèrent du corps, un apprenti de passage, et continuèrent comme si de rien n’était.

Cependant, des événements étranges commencèrent à se produire, Ajeeb semblant se déplacer de lui-même, créant une atmosphère de peur et de mystère. Samuel Gonotsky, l’un des principaux joueurs américains de dames, devenu paranoïaque, finit par quitter son poste, croyant entendre des bruits étranges venant de l’automate. Ajeeb changea plusieurs fois de mains et continua de fasciner les foules. Frank Frain et Jesse Hanson achetèrent Ajeeb en 1932 et l’emmenèrent en tournée aux États-Unis et au Canada. Hanson était un maître de jeu de dames reconnu. Cependant, les histoires de mouvements étranges et de bruits inquiétants persistèrent, ternissant la réputation de l’automate. Ajeeb passa ainsi par plusieurs opérateurs. Certains d’entre eux racontèrent comment Ajeeb semblait se déplacer tout seul. Le dernier opérateur refusa même de jouer à autre chose qu’aux dames en raison d’événements étranges au sein de l’automate.

Cet incident tragique, impliquant un mauvais perdant, n’est pas un événement historiquement avéré. Ils semblent plutôt être une combinaison de faits réels et de fiction, illustrant peut-être la peur de l’humain devant une technologie mal comprise. Ajeeb, l’automate joueur d’échecs, reste cependant une figure emblématique de l’histoire de notre jeu.

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