Un conte de Noël

La salle était vide. Sur une table, un échiquier oublié, les pièces, abandonnées à un combat incertain, figées dans l’attente d’une main qui ne viendra plus. Lorsque l’horloge de l’église voisine sonna minuit, un léger bruit troubla le silence. Un pion blanc fit un pas en avant. Puis un autre. Lentement, comme s’ils s’éveillaient d’un long sommeil.
Le roi regarda autour de lui.
— Ce soir, dit-il, personne ne joue. C’est Noël. »
La dame inclina la tête. Les fous cessèrent de se croiser, les cavaliers s’immobilisèrent. Même les tours, d’ordinaire si droites et si sévères, semblèrent se détendre.
Un petit pion s’avança alors, hésitant :
— Quand les joueurs ne sont pas là, à quoi servons-nous ? »
— Nous servons à nous souvenir, dit le roi, des parties jouées, des erreurs commises, des victoires et des défaites. » Et la Dame ajouta doucement :
— Sans adversaire, il n’y a plus d’ennemi. »
Alors, pour la première fois, les pièces blanches et noires se mêlèrent. Un cavalier noir échangea quelques mots avec le fou blanc :
— Et si, ce soir, nous jouions, sans mat, sans victoire ? Juste pour le plaisir de danser sur l’échiquier, comme on glisse sur la neige. »
Les pions se prirent par la main et tournoyèrent en rondes joyeuses. Les fous tracèrent des diagonales folles, les cavaliers sautèrent en riant, les tours se balancèrent comme des sapins sous le vent. Même Rois et Dames, libérés de leur gravité, se laissèrent emporter par la valse des cases noires et blanches. Et toute la nuit, sous la lueur tremblante des étoiles, l’échiquier devint une piste de bal. Juste le froissement doux du rêve des mouvements des pièces sur le bois, et cette étrange certitude : ce soir, le jeu sera plus beau que la victoire.




















