Échecs Mongols

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Joel Eriksson – Joueurs mongols, 1939 Musée de Copenhague

Les échecs mongols, ou shatar, présentent des similarités notables avec les échecs européens dans leur fonctionnement général, mais ils s’en distinguent par leur esthétique, leurs appellations et une symbolique profondément ancrée dans la culture nomade d’Asie centrale. Chaque pièce incarne une figure ou un animal typique du monde mongol, avec une charge symbolique et religieuse bien différente de la tradition occidentale.

Les parties opposent deux camps identifiés, non pas par les classiques Blancs et Noirs, mais par le vert et le rouge, définis par la couleur de la base des pièces. Du côté vert, le roi est représenté par un puissant seigneur chinois (tushimäl), tandis que sa reine est incarnée par un tigre maléfique (barres), figure menaçante et puissante dans les légendes asiatiques. En face, le camp rouge aligne un prince mongol (noyan) de statut équivalent, assisté d’un chien-lion sacré (nohoi) dans le rôle de reine — une référence possible au lion chinois (fo dog), symbole de protection et de spiritualité dans le bouddhisme.

Les autres pièces suivent également une logique culturelle : le chameau, teme, adapté aux steppes et désert de Gobi, tient la place du fou, le cheval mori est bien sûr le cavalier, élément central de la culture mongole, où l’art de monter à cheval s’apprend dès le plus jeune âge, la tour est un chariot à bagages¹ ,khasak, véhicule emblématique des migrations nomades.

Les pions, appelés chüü, signifient littéralement « garçons » ou « enfants », soulignant leur rôle subalterne, mais aussi leur potentiel de progression vers la maturité et la puissance, comme dans les échecs européens où le pion peut se promouvoir. Ces pièces, de même que le cliché, furent ramenés par une expédition danoise en Mongolie (1938-39).

¹ En se diffusant vers l’Asie centrale, chaque culture a adapté les pièces à son propre imaginaire militaire et quotidien. La tour était le char de guerre (ratha) dans le jeu indien (chaturanga). Dans les steppes mongoles, les chars de guerre comme ceux d’Inde n’existaient pas. En revanche, les chariots à bagages ou yourtes mobiles sur roues (khasak) faisaient partie intégrante de la vie nomade. C’est donc par adaptation culturelle que la pièce représentant la puissance mobile sur ligne droite est devenue, chez les Mongols, un véhicule lourd et robuste utilisé dans les grandes migrations avec les troupeaux, les biens et les familles. Il symbolise ici non pas l’attaque militaire directe comme en Inde, mais la force logistique.

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