Pourquoi les femmes jouent-elles moins aux échecs ?

Des raisons historiques

Les échecs ont une longue histoire et une culture traditionnellement masculine, sans doute la cause de barrières culturelles pour les femmes. À noter, cependant, que lors de son arrivée en Occident vers l’an mille, le jeu d’Échecs faisait partie de l’éducation des damoiselles et damoiseaux. Les dames jouaient et jouaient fort bien.

.
Les Vœux du paon par Jacques de Longuyon – Parchemin 22,3 x 14 cm · France · vers 1310 Fondation Martin Bodmer, Cologny Suisse

Paradoxe ! C’est peut-être quand la Dame au XVe siècle devint sur l’échiquier la pièce la plus puissante qu’elle disparaît pendant de longs siècles en tant que joueuse. Il n’y eut pas toujours une reine dans le jeu d’Échecs. Elle est l’adaptation à la civilisation occidentale du conseiller (farzin ou firzan dans le jeu persan, puis wazir en arabe ou vizir en turc) qui protégeait le Roi. Quand elle apparut de façon progressive dans la seconde partie du moyen-âge, elle n’était pas aussi forte qu’aujourd’hui, jouissant d’une autonomie beaucoup plus réduite.

 La démarche mesurée, à petits pas, du vizir et des autres pièces rendait le jeu très lent où les pièces se déplaçaient de quelques cases, un véritable cérémonial qui durait des heures. L’on jouait quelques coups, puis abandonnait la partie pour un banquet, une chasse, un bal. Il correspondait parfaitement avec la vie des femmes aristocratiques. Le conseiller du roi, le farzīyah persan (فرزیه) évolua en ferz en arabe, puis en fierge en vieux français qui évoqua le latin viergen, la vierge et par ce glissement sémantique la Dame apparue sur l’échiquier dotée de pouvoirs accrus, devenant la pièce la plus forte. À la fin du Moyen Âge, vers 1475, sans doute en lien avec l’importance que la femme prenait peu à peu dans la société médiévale, sa puissance s’amplifia pour devenir celle que l’on connaît actuellement. Jeu de guerre, les Échecs médiévaux reflètent également les changements de l’époque dans l’art de la guerre : l’apparition des armes à feu (arquebuses et bombardes), la Dame et le Fou deviennent des pièces à longue portée. L’espagnol Lucéna fait mention dans un traité de 1497 de ce nouveau jeu d’Échecs qui se répand dans son pays, en Italie et en France. Les joueurs français de cette époque nommèrent ces nouvelles règles : « eschés de la dame » ou « jeu de la dame enragée ».

À la démarche compassé et tranquile du vizir succède la charge fougueuse de cette Dame guerrière, se déplaçant rapidement aux quatre coins de l’échiquier et pouvant mater le roi adverse en deux temps trois mouvements. Les parties devenant plus rapides ne correspondent plus à la manière de vivre des femmes aristocratiques. Plus rapide, le jeu se démocratise, quittant les maisons nobles pour les tavernes et les tripots, d’où les femmes se sont culturellement exclues.

L’ironie de l’histoire est que l’apparition de la Dame sur l’échiquier fit, pendant de longs siècles, disparaître les dames de devant l’échiquier. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour voir apparaître des tournois féminins. Puis des tournois mixtes se mirent en place progressivement.

À suivre…

Vous aimerez aussi...